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Les deux guerres de 1870 - 1871

et de 1914 - 1918

La guerre de 1870 ne parait pas avoir en elle-même, entraîner de dégâts matériels particuliers au complexe de Bellefontaine, mais par contre, elle devait constituer un tournant dans son histoire.

En effet, Bismarck, pour des motifs stratégiques, imposa une frontière arbitraire sans tenir compte des particularités linguistiques. et c’est ainsi que ces nouvelles limites d’états entre la partie de l’Alsace annexée (donc l’Allemagne) et la fraction demeurée française (donc la France) se trouva fixée à une centaine de mètres de la chapelle, ce bâtiment restant sur le sol allemand.

Tout en poursuivant et en développant même sa vocation de pèlerinage, Bellefontaine devint aussi un centre … d’intense activité de contrebande.

 

Le frère Uhl, qui le dernier des « Bruder »,  (on ne pouvait plus parler d’ermite) lequel avait succédé à un frère surnommée François II, construisit une bâtisse rudimentaire, dans laquelle il installa une épicerie qui, en peu de temps, fit des affaires très florissantes.
Les ménagères de Reppe et des autre localités de ce qui était devenu le Territoire de Belfort y venaient fréquemment s’y approvisionner en dentées alimentaires mais aussi en eaux de vie fortes et en tabac dont les prix étaient inférieurs à ceux pratiqués en France.
Mais cette contrebande était également réelle en sens inverse à tel point que les autorités allemandes en l’occurence « le Gouvernement impérial d’Alsace-Lorraine s’inquiéta des motifs pour lesquels le curé Bresson de Reppe se rendait une ou deux fois par semaine à la chapelle pour y célébrer la messe.
L’abbé Dufour, curé de Bréchaumont, ne voulant certainement pas encourir de responsabilités dans cette situation, écrivit à l’évêque en expliquant que M. le curé de Reppe était pus habilité que lui pour la desserte du pèlerinage à condition toutefois qu’il se mette en règle avec l’Administration dudit Gouvernement d’Alsace-Lorraine.

 

Le 23/7/1889, le Ministère pour l’Alsace-Lorraine, section Justice et Culte, avait adressé une correspondance dans laquelle il déclarait avoir été informé de la persistance de ce qui devait être une ancienne coutume en relation avec la répartition antérieure des charges de l’Eglise et qui faisait que le curé de Reppe officiait régulièrement à la Chapelle de Bellefontaine.

 

Bien entendu, l’autorité diocésaine répercuta cet « avertissement » au Curé de Bréchaumont, dont la réponse est donnée ci-dessous.

 

Par ailleurs, en date du 08 juin 1889, la section « Finances, agriculture et domaines » insistait pour obtenir une réponse de l’évêque à une première lettre concernant « l’importation illégale de France » de 6 bancs destinés à la chapelle de Bellefontaine.
Il l’informait en outre que les objets étaient passibles de la taxe douanière laquelle devait être versée dans la « Caisse de l’Empire ».
Une exonération, ajoutait-il, de ladite taxe, n’est pas admise et enfin qu’il regrettait de ne pas pouvoir donner suite à la demande concernant l’entrée non-taxée de ces 6 bancs.

 

Il est à remarquer aussi que, bien que l’Alsace ait été à cette époque allemande depuis 18 ans déjà, la lettre était adressée en français à l’évêque.

 

Par la suite avant 1914, le curé de Reppe cessa de célébrer les messes hebdomadaires mais par contre, continua la pratique pèlerinage, contrairement aux assertions de l’abbé Lévy, affirmant sous l’empreinte du patriotisme chauvin qui était de mise à l’époque, dans une étude qu’il rédigea en 1908 sur les sanctuaires martiaux, que la séparation avait porté un coup fatal à ces manifestation religieuses.
Il attribuait cette soi-disante périclitation à l’absence des fidèles du Territoire de Belfort, alors que la réalité était toute autre.
La meilleure preuve pourrait en être fournie pas l’essor pris par l’épicerie annexe.

 

Un jour, entre les deux guerres de 1870 et de 1914, la masure qui abritait le petit commerce, flamba (l’on rapporte que le sinistre fit la joie des enfants qui purent à cette occasion faire ample provisions de bonbons et de sucreries que l’on jetait par la fenêtre pour les soustraire aux flammes).
Et peu de temps après, on y édifia à la place, une demeure moderne et confortable avec, au rez-de-chaussée, d’une part l’épicerie et d’autre part un café. Et des chambres furent aménagées à l’étage.
Des demoiselles Stein quittèrent leur magasin du Fougerais pour venir s’établir ici où le commerce prospéra rapidement.
Elles firent l’acquisition d’un des premiers phonographes avec pavillon gigantesque dont le son de la musique criarde se répercutait quelques mois jusqu’aux villages environnants.
La « Brouderie » était devenue ainsi un but de promenade et un lieu de loisir pour les gens du secteur.
La mansuétude du clergé en ces temps de rigueur sur les moeurs, s’explique peut-être par le fait qu’il ne voulait pas entreprendre d’action susceptible de causer une entrave aux relation avec « l’autre côté » qu’il fallait maintenir à tout prix dans la perspective d’un espoir de « réunification » attendue avec espoir.
C’est ainsi que l’affluence était toujours importante à l’Ascension, jour de pèlerinage certes, mais aussi jour de rencontre, comme dit précédemment, pour les foules venues de part et d’autre de la frontière et particulièrement des cantons de Dannemarie et de Fontaine.
Des forains venaient même y installer leurs éventaires autour de la chapelle réalisant des gains substantiels.
Certains pèlerins terminaient leur journée à la fête de Reppe devant le verre de « gros rouge » très prisé des Alsaciens à ce moment là.

 

Les véritables difficultés entre les autorités françaises et allemandes, capables de nuire sérieusement au pèlerinage, ne surgirent qu’en 1914, peu avant le déclenchement de la Grande Guerre.

 

Peu après l’ouverture des hostilités en août 1914, les soldats français avançant en Alsace, installèrent après quelques mouvement de troupes, un poste avancé à Bellefontaine.

 

En effet, cet endroit se trouvait alors à peu de distance du front et donc des lignes allemandes.
Les habitants de ces lieux les désertèrent et la chapelle et ses dépendances furent livrées au pillage et à la destruction.
Même les paysans hésitèrent à cultiver leurs terres aux alentours et quand ils y vinrent, souvent surpris par des fusillades ou des bombardements, ils eurent à nouveau recours à Notre Dame de Bellefontaine, en priant quelques fois à haute vois, afin qu’elle les protège. 
Cette protection, les habitants de Reppe l’implorèrent fréquemment aussi pendant tout le conflit.
Durant quelques mois, les bâtiments de Bellefontaine furent occupés par les militaires français qui les transformèrent en campement.
Tous ce qui était combustible était utilisé pour réchauffer les poilus : menuiserie, objets en bois, ex-votos, dont des béquilles qui avaient été déposées depuis 2 ou 3 siècles en signe de reconnaissance pour des guérisons miraculeuses ou supposées telles.
La famille Clavey, de Foussemagne, apparentée à l’abbé Clavey, avait heureusement réussi à soustraire aux mains dévastatrices, la statut de Notre Dame se trouvant au maître-autel et à la transporter à la chapelle Sainte-Anne à Foussemagne.

 

En 1916, c’est un groupe du génie, poseurs de barbelés qui prit le relais (Bairet raconte que lors de l’une de ses visites au sanctuaire, il découvrit l’état lamentable des lieux : chapelle pleine de paille, murs couverts d’inscriptions et noircis par la fumée des feux allumés à l’intérieur.
Même les plaques de marbre qui recouvraient la relique avaient été brisées.

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LETTRE DU CURE DUFOUR A MGR L’EVÊQUE

 

Bréchaumont, le 11 août 1889

 

 

Monseigneur,

 

J’ai l’honneur d’informer votre grandeur que je viens d’avertir M. le Curé de Reppe qu’il s’abstienne de dire la Sainte Messe dans la chapelle de Bellefontaine jusqu’à ce qu’il en ait reçu l’autorisation du Gouvernement d’Alsace-Lorraine, autorisation absolument nécessaire, quoiqu’il soit muni de son passeport.

Personne que le Curé de Reppe ne pourra mieux desservir cette chapelle, située à proximité de sa paroisse, accessible par un bon chemin et faisant pour ainsi dire partie de sa paroisse puisque la dite chapelle quoique située sur la banlieue de Bréchaumont, est propriété de la famille Clavé de Foussemagne dont un membre, l’abbé Clavé mort comme Curé de Bonfol, l’a acheté du Conseil Municipal de Bréchaumont dans les années 30 alors qu’il était question de construire un église paroissiale.
Depuis ce temps, elle a été restaurée par la famille Clavé et elle est entretenue par elle et soignée par un individu entretenu par la dite famille.
Le Curé de Bréchaumont ne pourra pas facilement la desservir à cause des chemins impraticables à travers prés et ruisseaux marécageux.

Il n’y a que M. Bresson (Curé de Reppe) qui puisse y aller avec facilité et c’est aussi une ressource pour lui qui manque souvent d’intentions de messe, que d’aller acquitter celles qu’on lui donne en l’honneur de la Vierge de Bellefontaine.

Je pense qu’il se mette en règle avec le Gouvernement d’Alsace-Lorraine, c’est de moins l’idée que je vais lui suggérer encore une fois.

J’ai l’honneur d’être, Monsieur, de Votre Grandeur, le très humble et très obéissant serviteur.

 

C. Dufour

(copie intégrale et telle qu’elle fut écrite)

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